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Entretien avec Didier Lachize, chef de file ‘La France Insoumise’

Max Mariton

Didier Lachize est chef d’entreprise au Vietnam. Soutien de Jean-Luc Mélenchon pour la prochaine présidentielle, il s’investit aussi dans la 11e circonscription des français établis hors de France. Cette large circonscription inclut notamment l’Ukraine, la Russie, le Vietnam et l’Australie.


Monsieur Lachize a répondu aux questions du courrier australien à propos des prochaines échéances électorales et de l’actualité internationale.


Marius Mariton : Parlons d’abord des législatives. Êtes-vous candidat dans la 11e circonscription des français établis hors de France?


Didier Lachize : Les candidatures seront décidées juste après la présidentielle, cela dépend de la configuration politique qui en résulterait. À la France insoumise nous laissons la porte ouverte à des alliances. Par courtoisie politique nous avons désigné des chefs de file et non pas des candidats. Avec Viviane Sublime de Tokyo nous sommes prêts à être candidats.


MM : Et en attendant, qu’attendez vous du futur président concernant les enjeux des français de l’étranger?


DL : Je soutiens Jean-Luc Mélenchon et son programme “L’Avenir en Commun” que je trouve très précis. Il a été actualisé depuis 2017 compte tenu de l’urgence écologique et de la bifurcation de l’économie qui doit en résulter. Ce programme est décliné en livrets spécialisés dont un concerne les français de l’étranger spécifiquement. J’y ai participé et ce sont des gens de terrain qui se sont penchés dessus. Ce ne sont pas quatre types à Paris qui ont recopié des mesures bateaux.

Il y a 7 considérations principales, la première concerne l’éducation. Nous souhaitons ouvrir les lycées français à un public plus mixte, plus international.


MM : J’ai lu des éléments concernant la gratuité des lycées français de l’étranger…


DL : Oui, aller rapidement vers la gratuité pour les français. Nous voulons aussi arrêter l’extension du réseau par la privatisation. Cela implique notamment des professeurs de moins en moins qualifiés puisque ce sont des locaux, avec des critères moins élevés pour l’enseignement. Nous arrêterons les nouvelles homologations d’établissements publics à but lucratif. Certains établissements sont à but lucratif, c’est leur droit mais ce ne sera pas subventionné par l’État. Par contre nous continuerons à développer le réseau sur la base des établissements en gestion directe, qui eux offriront des bourses élargies et iront vers la gratuité pour les français. C’est un choix politique, coûteux mais aussi un choix pour le soft-power et d’extension de l’influence française. C’est un choix délibéré. C’est de l’argent bien investi.

L’autre problème classique concerne les questions de santé. J’ai bien travaillé sur ces sujets car j’étais membre du conseil d’administration de la Caisse des français de l’étranger pendant 19 ans. La sécurité sociale pour les français de l’étranger c’est surtout le lien avec le système français. Cela concerne plus les gens mobiles, ceux bien implantés dans leurs pays, en Australie par exemple, ressentent peut-être moins cette nécessité mais les gens qui ont une vie ou carrière sur plusieurs pays ont un avantage à rester lié au système de sécurité social français.

Cela s’articule avec les propositions nationales d’extension de la sécurité sociale. Nous voulons une sécurité sociale à 100% c’est-à-dire la suppression du système des complémentaires santé liées à la sécu. Et par ricochet la caisse des français de l’étranger, déjà membre de la sécurité sociale, bénéficiera également de cette extension des prestations santé à 100%.


MM : Pour les soins à l’étranger du coup?


DL : Pour les soins à l’étranger. C’est déjà le cas actuellement dans une quarantaine de pays, le système est en train de s’étendre. Cela prendra un petit peu de temps mais s’il y a une assise de cotisants beaucoup plus grande à la CFE -car l’avantage d’être lié à la sécurité sociale française va attirer plus de monde- alors cela permettra d’étendre les prestations à beaucoup plus de pays. Heureusement il y a des pays qui ont un bon système de couverture sociale, mais certains pays n’en ont pas et il y a cependant une grosse présence française. Il y a donc un effort particulier à faire en profitant de notre modèle social.

L’autre point c’est la retraite. Des personnes avec une mobilité internationale sont souvent interdites de cotiser à la retraite française. C’est complètement absurde, dans un système par répartition, de refuser que les gens mettent de l’argent pour payer des pensions alors qu’ils sont employés immédiatement. Enfin c’est comme ça et personne n’a su m’expliquer pourquoi. Donc nous allons ouvrir l’accès à la cotisation de retraite à tous ceux qui le veulent, ce sera volontaire. En ricochet ils bénéficieront des mesures générales sur la retraite à 60 ans et aucune retraite inférieure au SMIC pour une carrière complète. La carrière complète sera l’addition des carrières incomplètes. Cela se fait avec des accords de sécurité sociale avec les pays. Il faut étendre ce type d’accord.


MM : D’accord, je souhaitais aussi poser une question sur la participation à la présidentielle. Elle est assez faible chez les français de l’étranger, comment comptez-vous augmenter cette participation ? Pour la présidentielle comme pour les législatives d’ailleurs.


DL : La participation est liée aux efforts que fait ou ne fait pas l’État. On ne peut pas dire que c’est réussi. On peut même se poser la question de savoir si ce n’est pas délibéré ou si ça ne fait pas partie du plan de réduction des effectifs, des moyens et de la présence consulaire française à l’étranger. Si on réduit les budgets de 10% par an, dans le cadre du plan en cours, on se retrouve avec des moyens diffus.

Il y a eu des fermetures de bureaux de vote un peu partout dans le monde. Et des changements de bureaux de vote ne sont pas communiqués aux électeurs. Or le vote lors de la présidentielle n’est qu’en physique. C’est électronique pour les législatives. Mais pour ces élections le vote électronique a été fait avec un nouveau prestataire privé, c’est encore une privatisation des moyens régaliens. Ce nouveau prestataire privé offre moins de fonctionnalités que l’ancien. La plupart des pays qui ne peuvent pas recevoir en roaming ne pourront pas recevoir leurs mots de passe et donc voter. Rien n’est fait pour augmenter la participation, quand vous appelez un ambassadeur ou consulat pour vous plaindre on vous répond “j’en ai parlé lors de mes vœux”.


MM : Et ce que vous souhaitez c’est ouvrir plus de bureaux de vote ? Et voulez-vous le vote électronique pour la présidentielle ?


DL : Bien sûr. Il faut le vote électronique pour toutes les élections. Pour les élections indirectes comme les conseillers des français de l’étranger il faut que ce soit sur plusieurs jours, que le vote anticipé soit étendu de trois jours à une semaine. Il n’y a pas une mesure miracle mais un dispositif entier à revoir pour encourager cette participation.


MM : Très bien, concernant l’actualité internationale, la 11e circonscription des français de l’étranger inclut l’Ukraine et la Russie. Quelle est votre analyse de la guerre russo-ukrainienne ?


DL : Il faut faire attention à qui on est et de quoi on parle. Certaines personnalités politiques disent tout et surtout n’importe quoi. Il faut laisser les professionnels porter la voix de la France, après c’est du café du commerce. La position de principe de Jean-Luc Mélenchon est de dire qu’il y a clairement un agresseur : le régime russe qui a franchi la ligne rouge c’est-à-dire une frontière. C’est inacceptable et ça aura des répercussions énormes. Ensuite, faire le va-t-en guerre et jeter de l’huile sur le feu avec des paroles et ne rien proposer pour une sortie diplomatique… Il faut affirmer fermement un cessez-le-feu, négocier et reconnaître l’intangibilité des frontières.

Après que les Russes mettent leurs revendications sur la table et discutent… Il y a des organisations pour cela tel l’OSCE (Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe). Elle est faite exactement pour ça, pourquoi ne se réunit-elle pas? Pourquoi il n’y a aucune initiative sérieuse prise par la France?!


MM : D’ailleurs comment voyez-vous la place de la France et de l’Europe ?


DL : Et l’Europe bien sûr. On voit aujourd’hui que la diplomatie européenne et l’Europe de la défense ne sont que des mots. Il n’y a rien de concret. Nous n’étions pas prêt à cette agression.

Du point de vue de Jean-Luc Mélenchon, il faut revenir à une posture historique de la France : être non-aligné. ‘La France n’a pas d’amis, elle a des intérêts’, et elle les défend. Elle est d’accord avec les États-Unis sur telles choses, avec les russes sur une autre. Sachant que les valeurs de la France mènent à se positionner du côté des agressés plutôt que des agresseurs.


MM : Et comment percevez-vous l’accueil des réfugiés en France?


DL : Je n’habite pas là-bas mais simplement mon avis de principe est qu’on accueille les réfugiés. C’est vrai pour les ukrainiens aujourd’hui comme ça l’était pour les syriens et les personnes venant de Libye en traversant la mer. On ne les parque pas à Calais et on ne déchire pas leurs tentes. Tout comme on ne fait pas la police pour les anglais, s’ils veulent aller en Angleterre ils y vont. Voilà ma position de principe, elle est universelle. Les gens y sont prêts, au-delà des opinions politiques d’ailleurs.


MM : Dernière question. Qu’espérez-vous concernant la place de la France dans l’Indopacifique ?


DL : Je sais qu’avec l’Australie nous avons quelques soucis en ce moment. Mais la France est solidement présente c’est un fait. La Nouvelle-Calédonie est un territoire français, la Polynésie française aussi. Nous avons un immense territoire maritime à défendre et à utiliser dans le cadre de la bifurcation de l’économie à cause du changement climatique. Je ne veux pas faire de la géopolitique à la place des diplomates mais ces derniers auront des instructions. Arrêter de vendre des chemises et des fromages à la place des entreprises, et faire plutôt de la diplomatie économique. Le message aux Australiens est de rappeler notre présence. ‘Quand vous arrêterez de suivre indistinctement les Américains ce sera peut-être plus facile pour tout le monde’. Ce serait un message de l’État, pas le mien personnellement.

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